Dans la continuité des cartes blanches accordées aux artistes contemporains au Grand Palais, après Chiharu Shiota l’an dernier (lien de l’article), l’institution confie cette saison un même étage à deux figures majeures de la scène actuelle. Claire Tabouret et Eva Jospin investissent chacune une galerie, dans une exposition unique accessible avec un seul billet, pensée comme un parcours à double entrée. Deux univers très différents, mais réunis par une même exigence formelle, un rapport sensible à la matière et une invitation constante à la contemplation.
Claire Tabouret, au cœur d’un chantier historique

1. Les œuvres exposées : Saint Joseph « Tous réunis ensemble dans un même un lieu » – Sainte Clothilde « Soudain un bruit survint du ciel » – Saint Vincent de Paul « Comme un violent coup de vent » – Sainte Geneviève « Alors leur apparurent des langues de feu qui se po- sèrent sur chacun d’eux » – Saint Denys « Ceux qui entendirent eurent le cœur transpercé.» – Saint Paul Chen « Ils se mirent à parler d’autres langues et chacun s’exprimait selon le don de l’esprit »
Avec D’un seul souffle, Claire Tabouret propose un geste à la fois audacieux et profondément respectueux. Dans la Galerie 10.2, elle dévoile pour la première fois au public les maquettes grandeur nature, esquisses et travaux préparatoires des six futurs vitraux contemporains destinés au bas-côté sud de la nef de Notre-Dame de Paris.
Lauréate, avec l’atelier Simon-Marq, de la consultation lancée par le ministère de la Culture, l’artiste ouvre ici les coulisses d’un projet encore en devenir. Le visiteur ne découvre pas des vitraux achevés, mais un travail en cours, vibrant, presque fragile. Les grandes maquettes, hautes de près de sept mètres, immergent immédiatement dans l’atmosphère de l’atelier, accentuée par une scénographie sobre et juste.
Si le projet a suscité des réactions parfois vives, l’exposition permet d’en saisir toute la finesse. Claire Tabouret a travaillé une palette équilibrée, volontairement lumineuse, afin de préserver la lumière blanche si caractéristique de la cathédrale. La technique du monotype, qu’elle pratique depuis de nombreuses années, crée un lien subtil avec l’art du vitrail, tout en affirmant une écriture résolument contemporaine. Inspirée par le thème de la Pentecôte, symbole d’unité et de compréhension entre les hommes, l’œuvre s’inscrit comme une réponse sensible et actuelle à un monument chargé d’histoire.
Eva Jospin, une immersion dans le monde de Grottesco
Dans la Galerie 9, Eva Jospin déploie Grottesco, un ensemble spectaculaire d’installations, de sculptures et de bas-reliefs qui invitent à la déambulation. Plus d’une quinzaine d’œuvres composent ce paysage imaginaire, oscillant entre architectures en ruine, grottes monumentales, forêts impénétrables et maquettes aux détails vertigineux.

2. Vue d’exposition Palazzo, 2023, Palais des papes, Avignon © Benoît Fougeirol © Adagp, Paris, 2025
Le titre renvoie à la naissance du style grotesque, issu de la découverte souterraine de la Domus Aurea de Néron. Une référence fondatrice pour une artiste qui, depuis une dizaine d’années, explore la grotte comme espace de révélation, de profondeur et de transformation. Ici, le parcours ne se donne jamais d’un seul regard. On avance, on contourne, on revient sur ses pas. Les œuvres dialoguent entre elles, se répondent par des motifs récurrents, des ornements proliférants, des jeux d’échelle constants.

3.Eva Jospin Promontoire, 177 x 335 x 290 cm, 2024 Carton, bois, laiton, matériaux divers
© Benoît Fougeirol Courtesy Eva Jospin © Adagp, Paris, 2025
Carton, broderie, bas-relief, sculpture et architecture se mêlent dans un univers sans narration imposée, laissant au spectateur la liberté de construire son propre chemin. Les fenêtres volontairement laissées transparentes intègrent la vue de Paris comme décor à part entière, renforçant encore cette impression de grotte éclairée, ouverte sur le monde. Certaines pièces évoquent des décors de films fantastiques, tantôt urbains, tantôt presque primitifs, toujours d’une précision impressionnante.
Deux artistes, un même souffle au Grand Palais
Réunir Claire Tabouret et Eva Jospin au sein d’une même exposition permet de mesurer la richesse et la diversité de la création contemporaine actuelle. Entre un chantier symbolique qui dialogue avec l’histoire et un univers immersif nourri de mythes, de matières et de détails, le Grand Palais offre une expérience exigeante mais accessible, où le regard est sans cesse sollicité. Une exposition qui invite à prendre le temps, à observer de près et à se laisser surprendre.
Informations pratiques :
– Date : Exposition du 10 décembre 2025 au 15 mars 2026
– Lieu : Entrée Clarence Dillon, 1 avenue Winston Churchill, Paris 8e
– Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 19h30, nocturne le vendredi jusqu’à 22h
– Fermé le lundi, fermeture anticipée à 18h le 24 décembre, fermé le 25 décembre, ouvert le 1er janvier
– Tarif : Tarif plein/réduit : 15 €/12 € – Gratuit pour les moins de 18 ans et publics éligibles
Consultez le site de l’exposition en cliquant sur ce lien.
Consultez toutes nos recommandations de sortie en cliquant sur ce lien.
Crédits photos :
A la une / À gauche : Claire Tabouret, Maquette détail © Claire Tabouret © photo Marten Elder, 2025 / À droite : Eva Jospin, vue d’exposition Palazzo, 2023, Palais des papes, Avignon © Photo Benoît Fougeirol © Adagp, Paris, 2025
Mayeul Chartier











Commentaires